Sixtine
Messages : 25 Date d'inscription : 12/12/2009 Localisation : ~ Dans ton grenier ~
| Sujet: « Sixtine » Délicatesse & Courage Dim 13 Déc - 0:02 | |
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« Nom : Mon nom ? Sixtine . Il est assez étrange n’est ce pas ? Aucune connotation numérique , je n’ai ni six pattes , ni six dents , ni même six ans . Je n’ai pas aboyé six fois a la naissance ou mordu six fois mes frères . Non , juste Sixtine . Six pour les intimes , a prononcer Sixe et non pas Sice . Six avec l’accent anglais oui , vous avez tout compris . Mais vous ne risquez pas de m’appeler par ce diminutif , vous ne le méritez pas … Encore . Seul mon maître a le droit de m’appeler ainsi . Enfin , avait le droit … « Âge : C’est bien une idée d’humains , de compter les années . Est ce si important ? Voyons voir , je fais assez jeune mais j’ai de l’expérience dans le domaine du traîneau . Et j’ai fini ma croissance . J’ai donc plus de douze lunes , sans en avoir soixante douze … Disons trois ans ? Cela ne doit pas être ben loin de la vérité . La tête d’une demoiselle de deux ans et l’expérience d’une chienne de trois . Cela devrait faire l’affaire , non ? « Sexe : C’est une question assez stupide . Ais je l’apparence d’un mâle ? De plus , mon nom n’est pas ambigu . Encore que , on pourrait nommer un male par mon diminutif .. Mais vous voyez un chien s’appeler Sixtine ? Non , non , je suis bien une demoiselle , une vraie , une pure . « Race : Husky , sans aucune hésitation . Mon pedigree est l’un des plus purs possibles , et je puis vous assurer qu’aucun gêne de samoyède ni même de chien loup ne se soit glissé dans mon arbre généalogique . Voyez par vous même , j’ai de beaux yeux bleus et un pelage bicolore … Mais j’irais vanter mes atouts dans la catégorie ‘ physique ‘ pour ne pas polluer ici . « Physique : Décrire quelqu’un est assez simple . En revanche se décrire physiquement est toujours une épreuve , puisque l’on voit automatiquement nos défauts anatomiques et non pas nos qualités . Je tenterais donc d’être précise sans pour autant filer vers la vantardise . Commençons par la tête : j’ai une tête assez épaisse , caractéristique des Husky . Lorsqu’on la prend entre ses mains , on la sent légère , comme si mes os étaient creux . Mon museau effilé réduit l’impression de tête ‘ carrée ‘ et s’ouvre sur une rangée impressionnante de dents tranchantes et blanches . Quand a mes yeux , ils sont d’un bleu limpide , parfois glacés , et virent au vert lorsqu’une émotion violente me surprend : peur , joie , colère … Pour finir , mes oreilles sont très larges et en perpétuel mouvement . Ma silhouette : Je suis plutôt petite , et très effilée , taillée pour la course et non pas la force . Mes épaules sont assez droites , mon dos est fin , mes hanches légères mais mon poitrail ressemble a celui , large , d’un mâle . Ma queue est assez étrange , parfois pendante comme celle des loups , parfois retournée sur elle même comme celles des Shiba inu . J’ai des pattes solides et sèches , puissantes , et des griffes noires et très solides . Pour finir sur un ensemble général , j’ai des poils mi longs , teintés sur le front , les oreilles , le dos , les épaules et la partie supérieure de la queue en gris argenté. Le reste est d’un blanc très pur et scintillant lorsque la neige fait contraste . Satisfaits ? « Points forts : Points forts , points forts … Qu’entendez vous par la ? Mmmh , laissez moi réfléchir . Si vous voulez parler de qualités , on en a pour un moment et je vous les réserve pour le caractère , qu’évidement , vous lirez avec soin , mmh ? Mes points forts donc . Le premier qui me vient a l’esprit est que , grâce a mon entraînement , je peux être a n’importe quelle place de l’attelage . Étant assez svelte , la place de chien de barre est a oublier si vous avez besoin d’un vrai chien costaud pour freiner votre traîneau , mais si un de vos chiens vient a se blesser , je peux sans aucun problème le remplacer . En tant que chien de tête , je suis rapide , endurance et je comprend rapidement : les ordres sont exécutés a la seconde même , je ne rechigne devant rien et je maintient et donne la cadence sans problème . Ces qualités sont également bonne en tant que chienne de pointe . Enfin , pour la place de chien de meute , je ne suis pas un mouton : si le chien de tête ou de pointe fait une erreur , je la corrigerai si je peux , mais ne la suivrait pas . Parlons dans un second temps des qualités physiques : Taillée pour la vitesse , je suis extrêmement vive et alerte , et vous me verrez a mon avantage , seule ou en duo , traînant un traîneau léger qui suivra les tournants serrés que je pendrais . Plutôt endurante , si j’ai foi en mon maître , je peux courir toute la nuit s’il le faut . Enfin , pour terminer par le plus complexe et le plus simple a la fois , si vous parvenez a prendre la même place que mon ancien maître , celui que j’aimais éperdument , je vous donnerait ma vie , mon âme , mon corps . Je mourrais pour vous , et je ferais tout pour vous satisfaire . Encore faut - il réussir a me faire oublier mon éleveur et mon entraîneur , celui qui partagea ma vie depuis ma naissance … « Points faibles : C’est plus compliqué . Ayant suivi un excellent entraînement , et me donnant corps et mae pour le travail ; j’aurais du mal a vous citer un tas de points faibles . Niveau physique , je suis assez petite et fine , donc peu résistante si il faut escalader d’innombrables talus enneigés , de la poudreuse jusqu’au cou et vent de face pendant des heures et des heures . Mais la aussi , si je vous aime , si je cois en vous , je surmonterai ce défi grâce a mon courage . Je ne répète pas deux fois la même erreur et il es donc plus ardu de trouver de quoi me rabaisser … Bah , vous trouverez bien ne m’entraînant !
• • • • • • • • Caractère ...
Qui suis - je , donc . Sixtine , tout et rien a la fois . Commençons avec mon comportement en général . D’un naturel calme , je ne suis pas du genre a aboyer pour un rien et piétiner sur place . Il est extrêmement rare de me voir faire preuve d’enthousiasme , étant éduquée ainsi . Si je suis heureuse , on peux le percevoir dans mes yeux , dans ma façon de marcher ou de courir , au tremblement tout a fait caractéristique de mes oreilles . Quand la joie est trop grande , immense , il m’arrive de chanceler et de pousser des couinements bas et a peine audibles , alors que de petits frissons secouent ma colonne vertébrale . Rien de grave . Il est très rare de me voir en colère , car je sais résoudre les problèmes avec sang froid et une certaine distance . Se chamailler pour un bout de viande est trop puéril pour moi , autant ne pas manger si c’est pour finir estropiée ! En revanche , si vous parvenez a me mettre en colère , craignez moi ! Car mon maître m’a peut être appris a courir devant un traîneau , mais aussi a le défendre , car les voleurs sont nombreux en Alaska . Fourrure hérissée , yeux flamboyants , oreilles plaqués en arrière , reculez ! Car je risque de bondir . Un ordre du maître et je mords , un autre et je vous relâche . Très possessive , j’utilise de plus en plus souvent cette agressivité sur commande quand quelqu'un s’approche de trop près d’un humain que j’aime . Mon maître ayant des enfants , j’ai pris l’habitude de protéger les jeunes , qu’ils soient gentils ou méchants . D’ailleurs , pour moi , ils sont forcements gentils ! Mon unique jeu est de jouer au ‘ va chercher ‘ avec une balle de tennis . C’est la seule et unique chose qui me fait frétiller de bonheur , et vous pourrez toujours rêver pour que je courre après un bâton ou un ballon de foot … C’est balle de tennis , sinon rien ! Avec cet outil , vous pourrez me faire faire n’importe quoi , mais évidement la aussi , tout est relatif . Si je ne vous connais pas et que vous lancez une balle , j’irais la prendre mais je la donnerais a mon maître . Tant qu’a faire autant récupérer ce que vous balancez hein ! : D Toujours envers mon maître , je suis d’une rare possessivité , et d’une jalousie sans pareille . Jalousie qui n’a pas lieu avec les chiens de mon attelage , si toutefois vous prenez garde a n’en favoriser aucun … Car j’ai un sens assez aigu de la justice , et mon premier maître , avare de caresses , ne récompensait que lorsqu’il y avait lieu , et ne distribuait pas des sourires gratuitement : cela les rendait donc encore plus importants pour nous , et chaque chien faisait son possible pour avoir une pareille d’attention du maître . Si vous agissez a son image , il n’y aura aucun problème . En revanche , je risque fort de me battre avec un chien inconnu si vous le caressez avec un peu trop d’enthousiasme et m’ignorez complètement … Pour finir avec mes défauts principaux , je suis très rancunière . Si vous me punissez injustement , attendez vous a avoir la monnaie de votre pièce , que vous soyez chien ou humain .. Je risque fort de mon venger selon mes propres lois , qu’elle aille du vol de nourriture a la désobéissance . Ne vous inquiétez pas , mes bouderies ne durent pas longtemps , et si vous êtes justes envers moi , vous ne verrez même pas ces vilains défauts tant mes qualités sont grandes , et ma fidélité a toute épreuve . Car , sachez que si je vous ai aimé , même transportée a l’autre bout de l’Alaska , si je sais que vous avez foi en moi , je reviendrais toujours vers vous , quel que soit le prix a payer .
• • • • • • • • HISTOIRE
J’étais une chienne de traîneau . Banale comme diraient certains . Extraordinaire , comme affirmaient d’autres . Fille d’un mariage arrangé , j’avais plutôt bien vécu ma naissance . Mon maître avait choisi mon père pour sa rapidité , son pedigree exemplaire et ses très nombreuses victoires . Quand a ma mère , elle fut choisie pour sa docilité envers l’homme , sa confiance inébranlable en lui et son caractère dominant . C’était une chienne faite , et crée pour dominer . Une demoiselle gracieuse comme une ballerine , qui pourtant menait le traîneau jusqu'à la ligne d’arrivée sans jamais faiblir . Elle avait le don de demander a ses compagnons le meilleur d’eux mêmes . Et ils lui donnaient . Sans limites . Et elle semblait tisser un voile le tendresse autour d’elle , et tout ce qu’elle effleurait de son corps fuselé semblait refleurir a nouveau . C’était une silhouette fascinante et qu’on ne pouvait qu’aimer passionnément . Ainsi , je naquis un soir de printemps . Aînée d’une portée de trois jeunes chiots . Femelle parmi deux mâles au poil noir et blanc . Comme l’était ma mère , comme je fus bien plus tard . Une petite créature crée pour avaler les miles sans difficulté , tout en gardant une obéissance exemplaire envers mon maître . Ce dernier était un homme bon . Juste . Il aimait ses chiens , et ces derniers semblaient lui vouer un culte en retour . Peu démonstratif , ses récompenses étaient rares , si rares qu’elles devenaient un privilège divin . Chacun se démenait pour avoir un sourire de cet homme qui paraissait rude , et son regard posé sur sa petite meute exprimait a qui voulait le voir et le comprendre , qu’il avait su se créer un paradis sur la terre . Un paradis ou la neige faisait office d’herbe , et ou les aboiements des bêtes remplaçaient le chant délicat des muses poétiques . C’était un musher , un vrai . Un homme au cœur pur et dont le seul but dans la vie était de livrer , inlassablement , le courrier d’une ville a une autre . Chaque semaine , il chargeait son traîneau d’un lourd sac , contenant lettres et colis , et l’acheminait a l’aide de ses chiens , de sa ville natale aux bourgs alentours . Un travail qu’on pourrait croire épuisant , et pourtant … L’homme semblait boire le vent a pleine gueule , et a l’instar de ses chiens , le panorama qui s’offrait a lui , différent chaque fois , était la plus belle preuve d’amour qu’on eut put lui confier . Son cœur ne battait plus que pour cette envie désespérée de se sentir libre , gonflé d’un amour pur envers la nature . Comme un vieux loup , il avait un besoin impérieux de filer parmi les étendues neigeuses , voir défiler les sapins ciselés de blancs sous ses yeux d’un bleu glacial . Un amoureux de la nature qui n’en existe plus guère désormais .
Ce fut donc avec lui que je grandis . Entourée d’une meute de quinze a seize chiens , comportant principalement des huskys et quelques samoyèdes , je dus apprendre les règles qui banalisent toute vie canine pour qu’elle se passe parfaitement bien . Comme tous les chiens , mes débuts furent rudes . Rendue hypersensible , ma jeune mère ne supportait pas qu’on nous approche , et j’endurais parfois de sévères morsures pour avoir osé avancé d’un pas de trop . Dépassé une limite sévèrement défendue . Je me consolais alors avec ma joyeuse fratrie , combattant vaillamment avec mes frères . Inconsciemment , je simulais un combat en temps réel , mordait a pleine dents leurs peaux satinés et déchirant la fourrure dense qui recouvrait leur corps . Sans pour autant que mes minuscules crocs ne leur cause quelque dommages que ce soit . C’était un apprentissage sans que l’un de nous le sache pour autant . A trois mois , nous avions établis certaines règles , que chaque chiot de la terre respectait malgré lui . Le vainqueur d’un combat était le premier nourri , le premier blotti près de notre mère , le premier a recevoir caresses et attentions . Le perdant serait le dernier nourri , logé … aimé . Et personne ne s’en plaignait . En général , et du fait d’être l’aînée , je fus souvent la première lors de ces combats . Et je pris plaisir a jouer a la gagnante . Perdre en revanche , fut nettement plus difficile a accepter , mais je dus m’y résigner , comme chacun . Peu a peu , les chiens de la meute eurent la permission de venir nous voir . Intimidés dans un premier temps , mes frères et moi avions fui leur contact . Puis l’avons recherché . Pour enfin grandir , jour après jour , et atteindre une taille respectable . Évidement , j’étais loin d’avoir fini ma croissance , mais j’avais perdu ma fourrure , mon duvet de bébé , et je suivais avec fierté la pousse de ma première fourrure d’hiver . Partagée d’un blanc crémeux sur le ventre et qu’une ligne épaisse et noire charbon sur l’échine , qui serpentait des oreilles a la queue . Jours après jours , je me familiarisais avec la grande meute , et pris conscience que nous étions les seuls jeunes du cheptel . Cela ne m’affecta qu’un temps . Puis la jeunesse effaça ces inquiétudes et je passais outre . compensant en jouant avec les plus jeunes de la harde , en semi liberté dans un immense parc . Combattant la plupart du temps , défiant des adversaires de plus en plus grands . Mordant la poussière maintes et maintes fois . Suivant des yeux l’évolution de mes frères de sang .
Et puis vint le jour ou mon environnement bascula . D’un enclos immenses et dont je n’avais jamais vu la couleur du grillage , je passais a un grand parc qui me semblait ridiculement petit . Alors que vingt chiens auraient pu y tenir bien a l’aise et y courir sans s’y cogner . La présence des humains s’ajouta a ma vie . Celle de l’Homme , principalement . Il y avait les bipèdes . Et lui . Lui qui aimantait le regard de ma mère , qui la rendait sourde a nos appels si il l’appelait . Elle qui s’agitait en tous sens sur ses ordres , qui lui tendait la patte ou sautait sans aucune raison . Simplement parce qu’il lui demandait . Un seul mot aurait pu définir leur relation fusionnelle , et je vous dirais sans hésiter qu’il s’agissait d’amour . A cet age la , j’ignorais que ma mère n’était pas la seule . Que chaque chien qu’il avait , l’aimait aussi follement qu’elle . Et que bientôt , moi et mes frères seraient aussi enchaînés a cette dévotion de lui plaire , simplement pour qu’il nous aime en retour . Une envie folle , inconditionnelle de lui plaire . J’ignorais alors , comme le comportement singulier de ma mère pouvait être pardonné . J’appris donc , a son contact , a supporter , puis aimer les jeunes bipèdes . Leurs petites mains sur ma fourrure me faisait frissonner de peur et de dégoût , puis j’appris , peu a peu , a aimer leurs caresses . J’y pris goût , et me surpris a les réclamer , queue remuante , yeux suppliants , babines tombantes . Honte a moi ! L’attraction était si forte envers eux .. J’appris a jouer avec les humains . Différemment qu’avec les chiens . Il m’était interdit de mordre , de grogner ou de sauter . Je pouvais courir , remuer ou même aboyer , tant que ma folle envie de jouer n’était pas dirigée sur les petits bipèdes . A ma grande surprise ,je vouais rapidement un culte a une balle ronde et pelucheuse … De tennis . Sa simple vue , son nom me rendait folle . Un besoin déraisonné de l’attraper me torturait . Je ne pouvais résister a son appel .Avec elle , j’appris a m’asseoir , me coucher , tourner a gauche puis a droite , sauter et aboyer sur commande . Il me fallut porter un collier , également . Si dérangeant que j’en déchiquetais deux et en perdis trois autres . A la grande colère de mon maître , qui transforma sa frustration en rire . J’étais maligne , disait - il . Mais il était encore plus malin . Et il passa directement au harnais . Sans préavis . Et cette chose insupportable était impossible a mordre , arracher ou ôter , même avec l’aide de mes frères … Qui eux avaient supporté leur collier , et n‘enduraient pas encore l’amas de sangles qu’on me faisait subir . Je crus ne mourir de honte . Et la encore , j’appris a supporter . Pour l’oublier totalement . Jusqu’au jour ou , adulte , on m’initia au traîneau .
Ce jour la fut le premier de ma nouvelle vie , et je m’en souviens encore avec assiduité . Comme si la scène se déroulait chaque jour , dans le même contexte temporel et émotionnel . Oui , je me souviens … Il était venu me chercher a l’aube . Impatiente , j’avais bondi vers lui , et l’avais salué comme de coutume , ravie de le voir si tôt . Il me nourris puis m’emmena a l’entrepôt . La , gisait devant moi le traîneau . Lesté de toute charge inutile , ce n’était qu’un tas de planches sveltes muni de quelques sangles . Mais je sentais autour de lui comme une puissante aura . L’odeur de ma mère et de la meute s’était encrée dans le bois , et il me semblait entendre leurs aboiements , alors que leurs pattes martelaient la poudreuse en une cadence folle . Mon cœur semblait s’emballer , mon souffle se muait en un tempo heurté . Le maître m’avait rassuré , comprenant étrangement ce que je ressentais . Je l’avais regardé , miette de surprise , vibrant d’une joie et d’un espoir si violent que j’en tremblais presque . Il m’avait parlé , longuement , alors qu’il s’affairait . je l’avais vu sortir le traîneau , le sangler avec soin , puis m’y mener , avant de m’atteler . Seule face a la piste , je m’étais détournée , ma jubilation se muant en incertitude . Était ce le moment ? Confiant , il m’avait caressé , puis il s’était détourné , montant sur le traîneau . Haletante avant même d’avoir fait un pas , n’imaginant pas une seule seconde qu’il m’entraînerait par paliers comme tous le faisaient , j’avais dressé les oreilles . Et avait retenti le signal du départ . D’un bond , je me précipitais dans une galopade folle . Les sangles me sciaient le dos et les flancs , et derrière moi , le poids écrasant de ma charge de bois et de chair m’handicapait lourdement . Et pourtant … Un courant étrange et électrique semblait s’être emparé de moi , et dans ma tête se déroulait une scène vue tant de fois qu’elle était comme un film appris par cœur . Je voyais ma mère prendre le départ , attelée a la tête du traîneau , menant la cadence , suivie par une horde aboyante de chiens gris et blancs . Foudroyante , elle démarrait en trombe , et la meute mettait alors un point d’honneur a bondir au même moment qu’elle , pour ne pas freiner son élan et donner de violents a-coups sur son harnais et celui qui tirait notre maître . En ce moment magique , j’étais a la fois ma mère et la meute . Celle qui devait a tout prix être la plus agile , la plus rapide et la plus intelligente . Celle qui savait quand tourner , comment pivoter en douceur , ralentir sans qu’on ne lui rentre dedans . J’étais également le vulgaire chien de meute attelé au milieu , qui doit maintenir le rythme pour le pas entraver le couple devant et derrière lui , celui qui , individuellement , prête sa force pour former une attraction collective . Enfin , j’étais le puissant chien de barre , portant la lourde tache de tirer le traîneau lors des moments difficiles . J’étais une individualité collective , un paradoxe entier dont personne n’avait conscience . Et pourtant mon cœur s’envolait ,. Je suffoquais de bonheur tant la joie était puissante de me savoir capable de tirer un traîneau . Et derrière moi , les encouragements du maître étaient la plus belle de toutes les récompenses .
Des lors , chaque matin , le rituel recommençait . Incluant deux fois par semaine , un travail de groupe comprenant mes frères . Parfois chienne de tête , de barre ou de meute , j’appris avec eux les différentes et nombreuses taches d’un chien le traîneau , mais plus encore la synchronisation parfaite qui doit unir les chiens de l’attelage . Inexpérimentés , nous avions causé énormément de catastrophes , et le traîneau versa de nombreuses fois . Pourtant , la méthode étrange de l’homme qui nous guidait portait ses fruits . Au lieu d’imiter stupidement un chien expérimenté , nous apprenions de nos erreurs . Le maître nous laissait faire , et il fallait réfléchir , seul ou ensemble . Les sangles s’étaient emmêlés . Pourquoi ? Comment ? Il fallait trouver la source du problème , puis sa solution . Et chaque erreur causée ne fut jamais répétée . Une fois , j’avais pilé net , en tant que chienne de tête , pour avoir remarqué un lapin qui filait droit sur moi . La collision fut si violente qu’elle manqua de me rompre le dos . Depuis , je prenais un soin maladif a prévenir quand je ralentissais , prenant soin de maintenir un bon rythme cadencé avant de préparer a un arrêt . Une fois encore , inattentive , j’avais manqué le signal d’arrêt . Placée en chienne de barre , je m’étranglais net sur le collier qui me maintenait , et le traîneau failli bien me rentrer dedans . Erreurs que certains qualifieraient de graves . Beaucoup injuriaient mon maître , lui promettant qu’il tuerait ses chiens a les entraîner ainsi . Et pourtant , sa meute était l’une des plus rapides et coordonnées du pays . Parce que chaque chien , bien que travaillant pour un même but , restait une entité individuelle , et retenait ses erreurs d’apprentissage toute sa vie . Ainsi , si l’un faisait une erreur , les autres ne suivraient pas , quel que soit le rang ou la place du fautif . Ce qui évitait considérablement le risque d’accidents . Peu a peu , et avec notre expérience , le Maître joignit un chien de la meute , puis un autre , et un autre encore … Jusqu'à reformer son attelage au complet , additionné de notre fratrie . Chaque jour était synonyme d’expériences nouvelles , et bien qu’une sorte de routine se soit installée , jamais je ne me sentis ennuyée par le quotidien . Le terrain était toujours différent , le contexte également , et surtout ma place au sein de l’attelage n’était jamais la même . Les chiens expérimentés avaient certes une place assignée , mais tous avaient suivi la même formation , et n‘importe quel chien pouvait , soudainement , prendre la tête du groupe sans être complètement perdu . Notre maître mettait un point d’honneur a élever et entraîner ses chiens lui même , et le résultat était époustouflant pour n’importe quel musher confirmé . Quand aux amis des bêtes , il ne pouvaient nier que chaque animal vénérait son maître au point de donner sa vie pour lui . Et ce dernier , bien loin d’en abuser , distribuait son amour passionnel aux chiens qu’il aimait et qui l’aimaient en retour . Etrange osmose dont nous faisions tous partie , alchimie parfaite que personne n’aurait voulu quitter .
Chacun de nous savait pourtant , au plus profond de notre cœur , que rien d’aussi beau n’aurait pu durer éternellement . Le paradis sur Terre dans lequel j’étais née avait atteint un stade de perfection tel que les dieux , quels qu’ils soient , semblèrent mal le supporter . Et il fallut qu’ils se joignent a nous , en une cohorte de fantômes grimaçants aux griffes d’acier . Précédant notre passage , ils préparèrent le terrain avec soin , scièrent brillamment nos harnais , déblayèrent les alentours de toute aide possible . Notre sort fut scellé avant même que notre maître donne le départ . Et même si chacun ressentait ce changement dans l’atmosphère , personne n’osa lever le museau plus haut que les autres , et clamer ce que chacun songeait tout bas . Ce fut ce qui causa notre perte , et j’en ressentis les conséquences tout le reste de ma vie . Si j’avais su ! … Le départ s’était déroulé comme de coutume . Il ne s’agissait qu’une énième balade parmi les étendues neigeuses , aucun sac de courrier a transporter . Tous les chiens étaient au rendez vous , dormant un immense attelage de plus de vingt têtes . Aucune anarchie n’était tolérée , et je trottais fièrement en tête , gonflée du plaisir intense d’être encore une fois , celle qui dirigeait les opérations . Derrière moi , tout aussi auréolée de plaisir que moi , et pas jalouse pour un sou , ma mère , en tant que chienne de pointe , partageait ses émotions avec moi , notant avec grâce quelques défauts dans mon allure que je m’empressais de corriger . Elle me dictait , a chaque fois que nous nous côtoyons , astuces et anecdotes qui m’aidaient a mieux me comprendre et apprendre le fonctionnement général de l’univers des mushers . Ses erreurs m’étaient contés avec humour , ses peurs et ses maladresses également . Telle une déesse , elle agissait comme un baume apaisant , dédramatisant mes angoisses parfois subites et mes rares méprises lors des changements de direction ou d’allure . C’était pour moi , la perfection a l’état pur , une idole éclairée par la gloire et le succès , auquel je voulait ressembler a tout prix . Nous allions au trot , synchrones au mètre près , et les félicitations du Maître nous éclairait d’une fierté illimitée . Lui faire plaisir était plus important que nous même , et si il fallait courir pendant des jours sans aucune trêve , uniquement pour lui épargner une nuit froide ou une tempête possible , la meute le ferait sans aucun regret . Elle lui était toute dévouée . Etait ce ses paroles , coulant en moi comme un liquide divin , qui me redit distraite ? Ou était ce purement et simplement , ma faute ? Mais alors que je posais la patte sur la neige devant moi , celle ci s’enfonça brutalement sous mon poids . Habituée a ce genre de déconvenue , je bondis agilement , évitant ainsi de ralentir le groupe , et me réceptionnais , en même temps que ma mère , quelques mètres plus loin … Pour découvrir que notre poids enfonçait encore la poudreuse . Inquiètes , nous avions tenté de ralentir , et hurlé a l’attelage de rester prudents . Que fallait - il faire ? Si nous accélérions pour éviter que la neige s’effondre sous nous , nous courrions de risque de tomber dans une faille profonde … Mais si nous nous arrêtions , notre poids nous emporterait la aussi , dans le trou qui semblait nous atteindre sagement ! Était ce une petite faille , ou un ravin immense que nous survolions allégrement depuis dix bonnes minutes ? J’entendis ma mère glapir , et me retournais . Les yeux agrandis par une peur sans nom , je la vis disparaître dans le gouffre . Suivie aussitôt par le reste de l’attelage , hurlant a la mort .
Quand j’ouvris les yeux , la seule chose que je compris en premier , fut que j’étais blessée . Du sang coulait de mon crane , noircissant mes yeux , rendant ma vision floue et nuancée d’écarlate . Du bout de la patte droite , je tentais de l’ôter , avant de glapir subitement , secouée de spasmes incontrôlables . Mon second antérieur , que j’eus voulu lever , était recouvert de sang , et un morceau d’os disloqué avec percé la peau , embrochant muscles et tendons . Une douleur brutale m’envahit , et j’eus l’impression d’on grattait furieusement a l’intérieur de mon être a l’aide d’ongles casés , comme si on raclait mes organes a l’aide d’une bouteille brisée . J’hoquetais , réprimant une série de couinements , et évaluais ce qui restait de mon corps . Mis a part ma patte cassée , j’avais affreusement mal aux cotés , et l’impression diffuse que les doigts de ma patte arrière étaient réduits a une bouillie informe et peu ragoûtante . J’y voyais de plus en plus nettement , et lentement , les morceaux du puzzle se remirent en place en mon esprit . Il me fallut une dizaine de minutes pour récupérer assez d’énergie pour pouvoir réfléchir sans finir assommée par le mal de crane qui me sciait en deux a chaque battement de cœur . Et quand je compris , un long hurlement déchira mon corps brisé . Nous étions tombé dans une très grande faille , assez profonde pour qu’une maison bipède y tienne a l’aide , elle et son chenil . Des pans entiers de glace étaient tombés sous le choc , a s’étaient enfoncé dans le … Sol . Et pas que le sol . Hoquetant , statufiée par une horreur sans nom qui commençait a ramper sournoisement en moi , je me redressais . Déglutissant avec peine , je relevais la tête … Et me retournais . D’immenses éperons de glace s’étaient plantés alentours , et coupaient parfois un chien en deux . L’un de mes frères s’était fait harponner par une stalagmite , et son corps désarticulé gisait a trente centimètres du sol , un pieu de cristal le perçant de part en part . Sanglotant , grelottant d’une peur qui m’empêchait de penser , j’avançais d’un pas . Le reste de la meute était morte sur le coup , compressée par le choc . La plupart étaient tombés sur une plaque de glace dure comme du diamant , et leur colonne vertébrale avait été sectionnée par l’impact . D’autres , aussi chanceux que moi , étaient tombés sur des mottes de neige fraîchement tombés quand nous étions passés . Sur cinq qui purent jouir de cette chance , un finit étranglé par son propre harnais , un autre tué par la chute du traîneau . Du traîneau . Du traîneau . Je sursautais , et , la voix étranglée , poussais un gémissement plaintif et tremblant , oubliant instantanément les trois survivants qui gisaient sans bruit . A coté du traîneau , gisait a mère , le harnais sectionné par un éperon rocheux , la patte posée sur le bras du .. Maître . Lui aussi mort sur le coup . La douleur mentale et physique afflua de nouveau , et je m’effondrais dans un nuage poudreux , les yeux débordant d’une rivière de larmes irisés . Pourquoi avais - je eu le droit de vivre alors que le Maître était mort ? Moi qui aurait donné ma vie , mon âme pour lui !
Ce fut la faim qui me réveilla . Vautrée sur la neige , toujours aussi tremblante , j’ouvris les yeux sur un étrange spectacle . Les trois chiens rescapés s’étaient détachés en sectionnant leurs harnais , m’avaient délivrée également , et patiemment , délivraient un a un les chiens morts , détachant soigneusement ceux qui étaient fixés sur les éperons de glace , restituant les troncs coupés en deux , les têtes décapités , les pattes qu avaient dévié . Et les enterraient . Reconstituant les cadavres , ils creusaient a chacun un tombeau unique , qui entourait l’endroit ou le traîneau était tombé . Murée dans un douloureux mutisme , je me redressais , et me joignis a eux pour enterrer les défunts . Me chargeant de ma famille , je m’enterrais ensemble , veillant a ce que ma mère commence son voyage mortuaire a l’endroit même ou sa vie avait fini . Quand au maître , nous lui creusions une tombe immense , a égale distance de chaque chien , le visage tourné vers ce ciel qui l’avait trahi et que pourtant il avait aimé . Le ciel et ses étoiles que l’on ne verrait sans doute plus . Affamés , épuisés par cet épuisant travail , nous nous regroupions ensemble , les flancs pressés les uns contre les autres , la tête collée a celle du voisin , échangeant nos pensées sans émettre un seul son . Notre douleur était si intense qu’elle se passait de mots . A notre réveil , un chien s’était éteint . Nous l’enterrions , puis chacun se mit en devoir de chercher a manger . Notre dernier repas datait de l’avant - veille et l’estomac des deux chiens restant grondait a l’instar du mien . Malheureusement , hormis les cadavres odorants que nous avions enterré , il n’y avait rien , pas un rongeur ni un terrier de lemmings surpris par le froid . Hésitants , nous nous rapprochions a chaque heure des cadavres enfouis , geignant pitoyablement , oreilles basses et queue entre les pattes . Mourir de faim ou manger ses compagnons ? Nous savions que le premier qui oserait ouvrir le premier caveau ouvrirait une débandade ignoble qui ne s’arrêterait une fois notre appétit rassasié . Rien que l’odeur qui sortait du sol gelé me rendait folle , et je me surpris a baver , étendue sur la tombe de ma mère , fixant avec insistance le sol fraîchement retourné . Mes remords étaient trop loin pour réussir a me dominer , et mes pensées étaient focalisés sur une unique option : manger , ou mourir . Allais je finir par me nourrir de la chair de mes pairs ?
Quand enfin , je me réveillais , a l’aube du quatriennal jour de captivité souterraine , je ne reconnus pas l’endroit . Le sol glacé s’était durci , et vibrait d’une intonation étrange et métallique . J’ouvris les yeux . Découvrant en premier lieu , un sol en béton , et ma patte antérieure , bandée avec soin . Je levais les yeux . Des barreaux . L’odeur de mes compagnons canins . Et surtout , celle des bipèdes . J’hoquetais , et me redressais d’un bond . J’étais sauvée ! Nous l’étions tous ! Je n’avais plus mal a la patte , guérie par magie ! Les bipèdes allaient procéder de même pour ma mère , mes frères et surtout - cette pensée me fit chanceler de bonheur - notre maître ! Secouant frénétiquement la queue , je l’appelais avec insistance , oreilles droites , les yeux pétillants d’un bonheur sans limites . La douleur avait été vaincue , j’allais retrouver la maison du maître et la meute aimée ! Terrassée par la jubilation , je dus me recoucher , alors qu’un bipède arrivait , nanti d’une blouse blanche , portant sur lui l’odeur de mes deux compagnons d’infortune . Pas les autres . Je vacillais , incertaine , en proie au doute . L’homme me sourit , tendant la main pour me caresser . Je grondais sourdement . Personne n’avais le droit de me toucher sans l’accord du maître . Le vétérinaire sembla comprendre , et son sourire se fana . » Que va t’on faire de toi ? Il tourna le dos . L’air puait la tristesse et la mort . Le surlendemain , je fus accueillie au chenil de Forbranks . Et ma douleur n’avait plus aucune limite . Mon maître ne reviendrait plus . Jamais
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Dernière édition par Sixtine le Dim 13 Déc - 12:37, édité 1 fois | |
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